Je suis optimiste à l’égard du potentiel à long terme qu’offre l’intelligence artificielle (IA) de propulser de fortes hausses de la productivité de la main-d’œuvre et de la croissance économique. En revanche, je suis pessimiste quant à la capacité de l’IA de justifier des valorisations boursières vertigineuses ou de nous épargner un épisode de ralentissement économique cette année ou l’an prochain.
Comme cela est généralement le cas dans le domaine des nouvelles technologies, il faudra sans doute attendre de nombreuses années avant que le potentiel de l’IA soit pleinement exploité. L’IA offre probablement des avantages substantiels, mais le risque qu’elle déçoive les investisseurs demeure conséquent.
Aussi vais-je tenter ici de relier les points entre le niveau actuel des cours boursiers, l’imminence d’un ralentissement de l’économie américaine et les promesses à long terme de la technologie la plus avant-gardiste, qui captent l’attention du monde entier.
Il se peut que mille milliards de dollars soient investis dans l’IA, mais cela n’aura pas lieu d’ici à la fin de 2025!
Il est fréquent d’entendre dire dans les cercles de l’IA que les sociétés technologiques, les entreprises de services publics et d’autres entreprises injecteront au total mille milliards de dollars ou plus dans les progrès technologiques au cours des prochaines années.1 Ce scénario est possible, mais il ne se matérialisera pas d’ici à la fin de l’année prochaine; entre-temps, l’économie américaine pourrait avoir ralenti. Nous estimons que l’injection de mille milliards de dollars dans l’IA serait nécessaire pour propulser la croissance économique en 2025 au-delà d’un taux tendanciel d’environ 2 %.
Les investissements dans l’IA : des sommes sans précédent, mais nettement inférieures à mille milliards de dollars
Remarque : Les chiffres historiques rendent compte des taux de croissance annuels composés.
Sources : Vanguard; les données historiques sur les dépenses dans les télécommunications et l’infonuagique sont tirées d’un article de la Réserve fédérale américaine, intitulé FEDS Notes, Own-Account IT Equipment Investment, octobre 2017; les données sur les dépenses historiques en IA et une estimation des dépenses réelles en 2023 aux États-Unis proviennent d’un document de l’Université Stanford, intitulé Artificial Intelligence Index Report 2024; les données relatives aux dépenses historiques en logiciels ont été produites par le Bureau of Economic Analysis des États-Unis; enfin, les données relatives aux revenus de NVIDIA Corp. sont tirées de Ycharts.com.
Comme l’illustre le diagramme ci-contre, les investissements en IA aux États-Unis ont totalisé une somme estimative de 67 milliards de dollars l’an dernier. Pour effectuer des projections de ces dépenses à court terme, nous avons majoré les investissements en IA effectués l’an dernier en utilisant différents taux de croissance annualisés, allant de 13 % à 34 %. Ces taux de croissance hypothétiques reflètent le taux de croissance des investissements en IA au cours des dix dernières années de même que les taux d’investissement dans trois autres technologies de nature générale à leur apogée. À la lumière de ces taux de croissance, les dépenses en IA effectuées cette année et l’an prochain se situent dans une fourchette allant de 76 milliards de dollars à 121 milliards de dollars.
Même si les investissements en IA doublaient presque, d’une manière soudaine, cette année et l’an prochain, mimant l’évolution des revenus des centres de données de NVIDIA Corp., qui ont presque doublé au cours des dernières années, les dépenses en IA atteindraient « seulement » quelque 129 milliards de dollars en 2024 et 248 milliards de dollars en 2025. Il s’agirait sans contredit de dépenses faramineuses. Peut-être même inégalées. Or, il faudrait que le taux de croissance atteigne 286 % pour que des investissements en IA de mille milliards de dollars soient effectués d’ici à 2025. Comme cela est improbable, la probabilité d’un boom économique propulsé par l’IA en 2025 est exclue.
L’engouement pour l’IA peut expliquer en grande partie l’enthousiasme que les actions ont récemment suscité
Nous invitons les investisseurs à la prudence depuis un certain temps, faisant valoir que les cours des actions américaines — en particulier ceux des titres de croissance — sont très élevés. En effet, le ratio cours/bénéfices corrigé des variations cycliques (CAPE) du marché boursier américain dépasse d’environ 32 % notre estimation de sa juste valeur.2 Bien que les actions de croissance et le marché boursier en général semblent surévalués, les titres à petite capitalisation, les actions de valeur et les actions non américaines sont apparemment évalués à leur juste valeur.
Les cours des actions américaines demeurent exagérés malgré de récents reculs
Remarques : La juste valeur du ratio CAPE des actions américaines établie par Vanguard est fondée sur un modèle statistique qui rajuste les mesures de ce ratio en fonction des niveaux de l’inflation et des taux d’intérêt. Le modèle statistique consiste en un modèle vectoriel à correction d’erreur comportant trois variables, soit les ratios cours/bénéfices, les taux d’inflation des dix années précédentes et les taux des obligations du Trésor américain à 10 ans, estimés entre janvier 1940 et le 5 août 2024. Des renseignements détaillés ont été publiés dans un document de recherche de Vanguard paru en 2017 et intitulé Global Macro Matters: As U.S. Stock Prices Rise, the Risk-Return Trade-off Gets Tricky. Une baisse de la juste valeur du ratio CAPE donne à penser qu’une rémunération plus élevée sous forme de prime de risque sur actions est nécessaire, alors qu’une hausse de la juste valeur du ratio CAPE laisse entrevoir une compression de la prime de risque sur actions.
Sources : Calculs de Vanguard fondés sur des données au 5 août 2024 consultées sur le site Web de Robert Shiller, accessibles à https://shillerdata.com; Bureau of Labour Statistics des États-Unis; Réserve fédérale américaine; Refinitiv et Global Financial Data.
Mes collègues et moi-même suivons de près les promesses économiques de l’intelligence artificielle depuis un certain temps. Nous sommes particulièrement curieux de voir si la croissance propulsée par l’IA de la productivité de la main-d’œuvre pourrait contribuer à améliorer les niveaux de vie en neutralisant les facteurs défavorables liés au vieillissement des populations. Bref, considérez que je suis un optimiste prudent. Il est cependant improbable, dans le meilleur des cas, que l’économie et les bénéfices connaissent des croissances rapides qui auraient pour effet de corriger les valorisations actuellement excessives sur le marché boursier américain.
Il faudrait que les bénéfices des sociétés explosent pour effacer la surévaluation des actions
Le dernier diagramme montre que la croissance des bénéfices des sociétés américaines depuis 1871 s’est chiffrée en moyenne à 4 % par an. Ce digramme indique aussi que, dans les périodes de forte progression, la croissance des bénéfices a été beaucoup plus élevée.
Nous nous sommes demandé à quel rythme il faudrait que les bénéfices augmentent pour corriger la surévaluation du marché boursier des États-Unis. Moyennant un horizon hypothétique de trois ans avant que les actions renouent avec leur juste valeur, il faudrait que les bénéfices des sociétés croissent à un taux annuel d’environ 40 %. Cela représente le double du taux annualisé enregistré au cours des années 1920, période marquée par l’avènement de l’électricité aux États-Unis — sans mentionner la production économique et les états des résultats des sociétés.
Même dans l’hypothèse d’un boom économique propulsé par l’IA en 2025, les actions paraissent surévaluées
Pour « sortir » des valorisations excessives, il faudrait que les bénéfices augmentent d’environ 40 % par année.
Remarques : Les données historiques complètes portent sur la période comprise entre janvier 1871 et mars 2024. L’avènement de l’électricité couvre la période comprise entre décembre 1921 et mars 1930. L’ère des ordinateurs personnels et d’internet s’entend de la période comprise entre mars 1992 (après la récession du début des années 1990) et décembre 1999. L’ère de la COVID-19 couvre la période allant de mars 2020 à mars 2024. La barre portant la mention « Il faudrait que les actions renouent avec leur juste valeur en trois ans » illustre le taux de croissance annualisé des bénéfices à atteindre pour que le ratio cours/bénéfices corrigé des variations cycliques soit ramené à une juste valeur de 23,8 d’ici à décembre 2027, dans l’hypothèse où l’indice S&P 500 afficherait des gains annualisés de 5 % et le niveau d’inflation s’élèverait à 2 %.
Sources : Calculs de Vanguard fondés sur les données de Robert Shiller, accessibles à https://shillerdata.com/.
Comme les marges bénéficiaires frôlent des sommets inégalés, il faudrait que la majeure partie du bond hypothétique annualisé de 40 % des bénéfices résulte de l’explosion des revenus des sociétés. Or, le ralentissement de la croissance économique exclut la flambée des ventes. Les prévisions de croissance de l’économie américaine pour 2025 faites par mon équipe se situent dans une fourchette de 1 % à 1,5 %, ce qui représenterait une baisse par rapport à la croissance de 2 % que nous prévoyons pour l’année en cours.
L’IA a la cote, mais l’intelligence humaine demeure irremplaçable
Les promesses de l’IA sont réelles. Nos recherches donnent à penser que la probabilité d’un bond de la productivité de la main-d’œuvre propulsé par l’IA oscille entre 45 % et 55 %. Dans ce scénario, nous estimons que l’économie américaine connaîtrait un taux de croissance annualisé réel (corrigé des effets de l’inflation) d’environ 3,1 % entre 2028 et 2040. Pendant les années intermédiaires, il faudrait que des investissements supplémentaires soient effectués dans la technologie et que ces investissements aient le temps de produire leurs effets.
Par ailleurs, nous sommes d’avis qu’il y a un risque non négligeable — soit un taux de probabilité de 30 % à 40 % — que les bienfaits de l’IA soient insuffisants pour compenser les déficits gouvernementaux grandissants alimentés par les dépenses liées au vieillissement des populations. Dans ce cas, la croissance économique à long terme pourrait se limiter à environ 1 % par an.
Les investisseurs qui cherchent à relier les points entre le niveau actuel des cours des actions, les niveaux probables de l’activité économique et l’engouement que suscite l’IA feraient bien de mettre un bémol aux attentes voulant que la croissance économique et les bénéfices des sociétés soient en voie d’accélérer à court terme. Comme toujours, les investisseurs seraient avisés de faire preuve de gros bon sens dans la constitution et la conservation de portefeuilles judicieusement diversifiés, qui tiennent compte de leur tolérance au risque et de leurs horizons de placement. Compte tenu des taux de croissance, les investisseurs devraient être préparés à faire face à des épisodes de baisse qui ramèneraient les cours boursiers plus près de leurs justes valeurs.
Remarques :
Tout placement est assujetti à des risques, notamment à celui de ne pas récupérer les fonds que vous avez investis.
Date de publication : Août 2024
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